La dispute
Sur un plateau bâti en Lego, six enfants de huit ans, 31 espiègles et émouvants, exposent aux parents leur point de vue sur la rupture conjugale et ce que ça leur fait à eux, concrètement, de vivre au cœur des disputes amoureuses.
- Mardi 13 octobre 2020 à 20h00
- Mercredi 14 octobre 2020 à 20h00
- Jeudi 15 octobre 2020 à 20h00
- Jeudi 22 octobre 2020 à 20h00
- Vendredi 23 octobre 2020 à 20h30
- Samedi 24 octobre 2020 à 17h30
44000 Nantes
L'interview
Après Stadium, Mohamed El Khatib est de retour au Grand T avec deux propositions. D’abord, le très beau spectacle La Dispute dans lequel des enfants évoquent la séparation de leurs parents. Puis une performance en tête à tête avec l’historien Patrick Boucheron sur… la boule à neige !
La boule à neige met sous cloche un souvenir qu'on veut garder.
"Vous n’aimez pas le terme “vrais gens” mais votre démarche consiste à faire jouer leur propre rôle aux gens, à les pousser à raconter leur vie…
En fait, c’est juste retourner à la source de l’information. Avoir le moins d’intermédiaires et d’interférences possibles. Même quand je travaille avec des acteurs, c’est le matériau de vie qui prime. L’acte de naissance de tous mes spectacles est une rencontre que j’essaie de partager.
Pourquoi ce spectacle sur la séparation des parents ?
Me demander comment je pourrais en tant qu’auteur m’adresser aux enfants était un défi. J’ai demandé à voir des enfants et je me suis dit que j’allais écrire avec eux. J’avais des discussions libres et je me suis aperçu que, dans la classe, la moitié avait des parents séparés.
L’important, c’est d’avoir le point de vue des enfants…
On s’est mis à parler de ça. Comment s’est passée la séparation ? Est-ce que vous le saviez ? Est-ce que vous avez refait votre vie ? Les beaux-parents… En fait, c’est très flou pour eux car les parents veulent les protéger. Alors les questions, on les a posées ensemble. Ils sont une douzaine en alternance et on a enfin le point de vue des enfants.
Comment est née la forme du spectacle avec ce décor de Lego ?
Il fallait offrir un paysage presque abstrait de l’enfance. Construire, déconstruire, reconstruire… Dans ce décor, il y a un maximum de reconfigurations, de façon très ludique, infantile. Le plaisir est communicatif, on s’y projette tous.
Est-ce que la vérité sort toujours de la bouche des enfants ?
Souvent mais pas toujours. Il y a des enfants qui nous ont menti mais c’était pour raconter une autre vérité. J’ai trouvé ça très touchant. Mais il y a beaucoup de vérité car ils sont à l’école primaire. Il n’y a pas encore de filtre social, de bienséance ou de morale.
Même si c’est profond, la tonalité est quand même légère et optimiste ?
Par la force des choses. Avec des adultes, ça aurait été pathétique. C’est toujours dur et nostalgique quand on demande aux parents. Pour les enfants, c’est un passage assez factuel. Ils rient volontiers, ils ont une distance, une facilité à se moquer d’eux-mêmes et de leurs parents. Il faut voir la façon dont ils jouent la culpabilité ou le chantage affectif. Je n’ai pas eu à forcer le trait, ils étaient drôles !
Comment est-ce qu’on fait un spectacle en duo avec Patrick Boucheron sur les boules à neige ?
Catherine Blondeau nous a présentés et nous a dit : “Je pense que vous avez des choses à vous dire.” On a eu envie de travailler sur une histoire populaire de l’art. On a pensé aux boutiques de musées, aux reproductions les plus vendues, ce qui est vivant chez les gens. Ça n’accrochait pas. Puis Patrick a parlé d’Yvette qui intervient devant ses boules à neige dans mon spectacle Stadium.
De là à en faire un spectacle…
C’est un objet un peu ridicule et désuet des classes populaires. Mais tout d’un coup Jeff Koons et Maurizio Cattelan en ont fait. On a donc un objet rattrapé par l’institution culturelle. C’est une mise sous cloche circulaire et les ronds-points ont été pris d’assaut par les gilets jaunes pour essayer de reconstruire une espèce de monde. On a enquêté…
Et où mène cette enquête ?
On découvre les controverses. On fouille les archives et, d’un sujet un peu ridicule, on se fait rattraper. Il pose des questions qu’on n’avait pas soupçonnées. On rencontre des collectionneurs. Il y en a un qui nous raconte avoir mis les cendres de ses parents dans une boule à neige, ça devient donc un objet spirituel, un hôtel portatif…
On peut tout voir dans une boule à neige…
La boule à neige met sous cloche une trace du passé, quelque chose de l’enfance, un souvenir qu’on veut garder. On s’est demandé quel moment on aurait envie de suspendre. À un mois du spectacle, on a des témoignages, des archives, plus de 1000 boules mais pas de texte écrit. Ça sera mis en jeu et en forme de manière différente à chaque fois, une improvisation d’une heure.
C’est donc plus une performance qu’un spectacle…
Oui, le terme spectacle serait prétentieux.
N’est-ce pas angoissant, cette mise en abîme ?
Depuis l’expérience avec Alain Cavalier, je trouve que c’est une forme réjouissante. Ça va s’inventer dans l’instant avec le seul risque d’être bancal certains jours. J’aime beaucoup La Dispute. C’est un spectacle émouvant qui fait du bien mais c’est calibré. Mais j’aime la prise de risque de Boule à neige.
N’est-ce pas la preuve que vous pouvez et voulez faire spectacle à partir de tout ?
Tout peut faire matériau puisqu’il s’agit de poser son regard sur un événement. La semaine dernière, il y a eu un drame dans ma famille. Ma sœur a dit : “Je te préviens, t’en fais pas un spectacle.” Moi, je sais que ça marquera.
La Dispute, du 13 au 24 octobre, à partir de 8 ans ;
Boule à neige, du 29 octobre au 4 novembre,
Le Grand T, Nantes.
Interview Patrick Thibault
Crédit photos : © Anthony Anciaux - Fonds Porosus