La Folle Journée 2019
Après l’exil subi en 2018, place à l’exil choisi... La Folle Journée 2019 sera consacrée aux “Carnets de voyages” et à tous ces compositeurs qui ont créé des œuvres intemporelles à l’occasion de leurs voyages. À toutes les époques, les compositeurs en quête de nouveaux langages se sont aventurés sur des terres étrangères pour intégrer dans leur création nombre d’éléments puisés dans d’autres cultures. Mozart au XVIIIe siècle s’illustra par ses longs voyages à travers l’Europe, à Paris et Prague notamment, et Haydn à la fin de sa vie séjourna plusieurs années à Londres où furent créées ses dernières symphonies.
Photo Tristano Francesco © Marie Staggat
- Du mercredi 30 janvier 2019 au dimanche 3 février 2019
44000 Nantes
L'avis de la rédaction
Vibrer classique
Si des concerts sont complets à Nantes, il reste des places pour des concerts incontournables. Le pianiste David Bismuth pour un programme Bach, Beethoven, Mozart, Debussy (concert n°24, mercredi 20/01 22h). Une réunion de voix de basse pour des œuvres baroques de Geminiani, Oxwald, O’Carolan (n° 77, jeudi 31 21h30). Francesco Tristano et Bruce Brubaker au piano pour un programme Liszt et Glass (n°218, samedi 2 22h15). Marie-Catherine Girod au piano et Rodolphe Bruneau-Boulmier de France Musique en récitant pour un voyage en Orient autour d’Albeniz, Debussy ou Schmitt (n°280, dimanche 3 13h15). Pour Saint-Nazaire, la billeterie ouvre le 12 au Théâtre.
La Folle Journée de Nantes : du 30 janvier au 3 février.
La Folle journée de Nantes en Région : du 25 au 27 janvier à Saint-Nazaire.
Singuliers pluriels
Année après année, La Folle Journée cultive ses programmes dits “singuliers”. Pêle-mêle, Le Pari des bretelles autour de Félicien Brut pour célébrer l’accordéon voyageur. Le programme Carnets de voyage, orchestré par le guitariste Emmanuel Rossfelder, offre un véritable tour du monde musical. Liszt l’oriental convie quatre musiciens qui interprètent le compositeur au oud et au qanun. Produits avec le lieu unique où ils se déroulent, trois programmes originaux : David Chalmin, Massimo Pupillo & Thighpaulsandra pour une expérience méditative. Erwan Keravec & Les Cris de Paris pour la réunion d’une cornemuse et 24 chanteurs autour de pièces contemporaines. Et Alessandro Bosetti qui met en musique le journal de bord de sa mère.
Saint-Saëns le voyageur
De tous les compositeurs de La Folle Journée 2019, celui qui a le plus voyagé, c’est Saint-Saëns. De 1857 à 1921, il a effectué 179 voyages dans 27 pays différents. Et on ne parle pas de ses multiples déplacements en France. Ce cher Camille a profité du développement du chemin de fer, de l’avènement des paquebots transatlantiques, puis de l’automobile. “Inouï et impressionnant compte tenu des temps de transport à l’époque mais il est le compositeur de cette édition consacrée au voyage”, déclare René Martin avant d’ajouter : “Sa musique est inspirée par ses voyages.” On écoutera donc sa Suite algérienne, notamment avec l’Orchestre National du Tatarstan et le pianiste Lucas Debargue pour le concerto n°5 pour piano et orchestre “égyptien” (concert 230), Saint-Saëns l’Africain (concert 049), Les cloches de Las Palmas par la pianiste Marie-Ange Nguci (283).
Le monde encore
Au-delà des œuvres classiques, La Folle Journée invite de nombreux ensembles traditionnels et de musiques du monde. Celui qui se produit le plus avec 7 concerts est le groupe de chants polyphoniques corses Tavagna composé de neufs chanteurs. Au rendez-vous la fanfare Ciocarlia et son programme de musiques tziganes. Canticum Novum sous la direction d’Emmanuel Bardon évoque La Route de la Soie dans le programme du même nom. Sans oublier le Sirba Octet et son interprétation originale des musiques klezmer.
Beethoven en 2020
Après quelques éditions de Folle Journée thématiques, on revient à un compositeur. En prélude à l’année du 250e anniversaire de sa naissance qui sera fêtée sur toute la planète, René Martin veut une Folle Journée audacieuse. Au-delà des œuvres qui seront plus nombreuses que lors de la seconde édition qui lui avait été consacrée en 1996, il entend montrer comment il a influencé les compositeurs du XIXe et du XXe siècle.
France Musique à la Cité
Partenaire historique de La Folle Journée, France Musique est en direct de la Cité des Congrès les vendredi 1er et samedi 2 février. Le studio est ouvert aux auditeurs. Clément Rochefort et Frédéric Lodéon animent leurs émissions sur le kiosque. Gabrielle Oliveira-Guyon ouvre son antenne aux auditeurs nantais pour sa nouvelle émission France Musique est à vous le samedi de 9h à 11h. Les auditeurs peuvent envoyer souvenirs, coups de cœur et anecdotes autour de La Folle Journée sur le mail francemusiqueestavous@radiofrance.com
L'interview
Fidèle à La Folle Journée depuis sa première édition, Anné Queffélec entretient une relation privilégiée avec son public. Pour l’édition 2019, la pianiste intervient sur trois programmes différents, dont un avec son frère, l’écrivain Yann Queffélec. Rencontre.
Que représente La Folle Journée pour vous ?
Une magnification unique en son genre que j’ai la chance de vivre chaque année. Une fête autour de la musique dite classique qui s’ouvre à public plus large qui part à l’aventure. Une sorte de voyage en immersion dans la musique, à travers un concept qui s’est révélé génial.
Qu’est-ce qui séduit le plus selon vous ?
Les concerts courts et pas chers qui ne font pas peur. Comme si l’appétit venait en mangeant, ça offre la possibilité d’inventer son parcours. On passe d’un quatuor à cordes, à un récital de piano, une symphonie, un concerto. Cette relation de liberté de choix et de parcours doit être un stimulant.
Qu’est-ce que la musique nous apporte ?
À La Folle Journée, on voit que plus les gens sont dans la musique, plus ils sont heureux. C’est comme un immense feu de joie cette folie bienfaisante. Face à une dénutrition culturelle, on a besoin de ce qu’on ne connaît pas et qui correspond à quelque chose en nous qu’on ne connait pas toujours.
René Martin dit qu’il vous invite tous les ans parce qu’il sait qu’avec vous, ça sera à chaque fois différent…
C’est généreux de sa part de m’attribuer ça mais, qu’on le veuille ou non, c’est toujours différent. On ne peut jamais jouer une œuvre deux fois de la même manière, c’est la beauté de la musique.
Comment fait-on pour toujours aller au-delà ?
Parfois, on est en deçà ! Certains jours, on se dit “j’ai compris, j’ai avancé, c’est comme ça” mais rien ne dit qu’on ne se décevra soi-même la fois suivante. C’est impalpable, on ne peut pas le mesurer. Parfois, c’est donné par le public qui déclenche innocemment.
Fille d’écrivain, pourquoi avoir choisi la musique plutôt que les mots ?
Je suis tiraillée entre les mots et les notes. Chez moi, il n’y avait pas de télévision, presque pas de radio. Ce qui primait, c’était les valeurs de l’esprit, il y avait des livres et un piano. J’ai eu, dès le départ, de bons professeurs de piano souriants. Ça m’a semblé naturel.
La Folle Journée 2019 est intitulée Carnets de Voyage, mais la musique n’est-elle pas toujours un voyage ?
Un voyage dans l’invisible. À notre époque, gavée de visuel, d’images et de virtuel, pour le meilleur et parfois le pire, rien ne remplace le moment vivant du concert. C’est une création collective. Je crois beaucoup à ce qu’apporte le public à l’artiste. C’est un rendez-vous avec quelque chose qui nous dépasse, un moment de fraternité alors qu’on ne sait rien les uns des autres.
On vous retrouve dans trois programmes différents. Comment se fait le choix avec René Martin ?
Je dis ce qui m’inspire et m’attire. René suggère souvent fortement d’aller vers ce que les musiciens ne connaissent pas eux-mêmes. La Folle Journée permet d’écouter des œuvres qu’on n’irait pas écouter. J’y ai abordé des répertoires auxquels je ne songeais même pas.
Vous êtes de la famille Folle Journée mais vous allez aussi vous produire avec votre frère, l’écrivain Yann Queffélec…
Nous pratiquons cet exercice de temps en temps autour d’un programme de musique en mer. Ce qui est particulier, c’est son texte, écrit pour ce programme. Les mots sont liés les uns aux autres. Yann a une très belle voix. Il dit plus qu’il ne lit, ce qui est plus émouvant.
À La folle Journée, on retrouve aussi votre fils Gaspard Dehaene, comment lui avez-vous transmis votre passion ?
Je sais à quel point la musique aide à vivre. Dans notre famille, ça n’est pas une option. Je voulais que ça soit dans le bagage de vie de mes enfants. Je m’engageais à leur trouver un professeur souriant, eux choisissaient l’instrument et c’était obligatoire jusqu’à 14 ans. J’ai eu la chance que ce soit le piano et Gaspard a eu une révélation brutale à 16 ans.
Pas avant ?
Il était dans le déni mais j’entendais qu’il avait ça en lui. La révélation a été foudroyante. C’est son choix. Je suis heureuse de le voir s’épanouir dans ce qu’il a choisi. Si l’enseignement de la musique était pratiqué systématiquement, dès la maternelle, pour que ça soit naturel, ça aurait un impact dans un tas de domaines.
Votre meilleur souvenir de La Folle Journée ?
Quand je ne suis pas sur scène ou en répétition, je vais écouter des concerts. Il y a quelques années, une Passion selon Saint Jean de Bach m’a fait pleurer. Le spectateur voisin m’a donné un mouchoir et nous avons pleuré ensemble de bonheur.
Imaginez-vous une Folle Journée sans vous ?
Sans moi comme interprète, oui ! Mais j’irais écouter des concerts donc ça ne serait pas sans moi. Chaque année, c’est frustrant quand on voit tout ce qu’on rate.
Concert n°176, dimanche 22h15 avec Yann Queffélec.
Concert n°161, samedi 12h30 avec Musica Viva, Alexander Rudin direction (Mozart).
Concert n°245, dimanche 13h45, récital (Haendel, Scarlatti).
Propos recueillis par Patrick Thibault