Rendez-vous de l'Erdre 2015

Quel regard portez-vous sur l’évolution des Rendez-vous de l’Erdre depuis votre arrivée dans l’équipe, il y a 10 ans ?
On a essayé d’apporter une écoute plus confortable pour le public, par exemple en créant la scène nautique. On a aussi cherché à thématiser les différentes scènes en fonction des genres musicaux. Mais, pour l’essentiel, le festival est resté le même. Quelque chose de vraiment unique, de par sa gratuité, et son lien avec la plaisance. Chaque année, on attire plus de 150 000 spectateurs de tous horizons : des promeneurs, des familles, qui ne seraient pas forcément venus vers le jazz autrement.
 
Cette gratuité, c’est une dimension importante ?
Oui, évidemment. Plusieurs festivals proposent des choses gratuites mais, bien souvent, en parallèle d'une programmation payante. Et avec des événements qui correspondent à ce que l’on s’attend à voir en plein air : des orchestres de jazz traditionnel, des musiciens de rue, souvent amateurs. La particularité de notre festival, c’est que nous proposons en plein air des artistes qui, d’ordinaire, sont plutôt programmés dans des salles. Et puisque les concerts on lieu dans la ville, le public n’a pas besoin de se déplacer. Le jazz vient à lui.
 
Aux Rendez-vous de l’Erdre, le jazz semble envisagé dans son acception la plus large…
Complètement. Je le répète souvent, mais ma devise reste inchangée : « que du jazz, mais tous les jazz ». Il y a une telle diversité de courants dans le jazz - du blues à l’électro, en passant par la soul -, que l’on n’a pas besoin d’en sortir pour faire notre programmation. Et chaque courant attire des publics différents. Certains vont adorer le jazz classique à la Sidney Bechet, et trouveront leur bonheur sur la scène de l’île de Versailles. D’autres, attirés par l’électro, souvent plus jeunes, préfèreront la scène mix jazz.
 
On entend parfois dire que le jazz est une musique élitiste. Qu’en pensez-vous ?
C’est totalement faux. C’est juste une musique qui, parfois, souffre de ses amateurs. Les passionnés de jazz n’ont pas toujours envie de partager leur passion avec le plus grand nombre. Pas mal d’intégristes pensent que cette musique ne doit être écoutée que dans des petits clubs. Or, je remarque que dès que l’on propose des choses à un large public, sans lui dire « attention, cette musique va être difficile à écouter », il apprécie !
 
Quels sont vos artistes coup de cœur, cette année ?
Il y en a beaucoup. Mais je suis particulièrement content d’avoir le vendredi soir, sur une même scène, Armel Dupas et Baptiste Trotignon. Deux pianistes issus de la scène jazz nantaise, qui est l’une des plus dynamiques actuellement.

Matthieu Chauveau

Ce concert de clôture, c’est un peu la consécration ?
C’est une vraie reconnaissance du projet, et notamment de notre travail depuis que la chanteuse Toni Green a rejoint le groupe, l’an dernier. Notre musique se distingue du jazz instrumental classique, qui est plus cérébral. Elle est plutôt festive, et cela correspond bien à la volonté du festival de terminer sur un concert assez grand public.
 
En plus de Malted Milk, vous donnerez chaque jour un concert en solo, sur la scène jeune public…
Oui, l’initiative est très intéressante, même si je n’ai pas du tout une approche pédagogique de la musique. On m’a donné carte blanche, et je vais tenter de transmettre la musique qui me plaît en la jouant, et en expliquant un peu ses origines. Dans le blues, il y a une vraie tradition orale, et si j’arrive à marquer l’esprit de deux-trois gamins, c’est déjà super !
 
En tant que musicien blues, quel est votre rapport au jazz ?
Je m’en sens assez proche. Le blues et la soul ont des racines communes avec le jazz. Je ne me considère pas pour autant comme un musicien de jazz. Les jazzmen de ma génération sont dans une recherche permanente de nouveauté. Nous, on fait de la soul, du blues, du funk, mais on ne cherche pas forcément à révolutionner ces musiques. On essaie de faire perdurer une esthétique qui nous passionne, avec ses codes, tout en faisant des compositions personnelles.

Matthieu Chauveau