Ceux qui vont mieux
Sébastien Barrier célèbre ses héros : son père, le poète Georges Perros, un curé inconnu et les deux musiciens du groupe de post-punk britannique Sleaford Mods. Naguère en proie à la mélancolie, ils vont mieux aujourd’hui. Comment s’en sont-ils sortis ? Sébastien les regarde, les filme, les écoute. Il crée un rituel qui relie.
- Lundi 4 octobre 2021 à 20h00
- Mardi 5 octobre 2021 à 20h00
- Mercredi 6 octobre 2021 à 20h00
- Jeudi 7 octobre 2021 à 20h00
- Vendredi 8 octobre 2021 à 20h30
L'interview
Annoncé il y a un an, le nouveau spectacle de Sébastien Barrier arrive enfin début octobre au Grand T. Nouvelle forme, nouvelle manière de s’adresser au public, une manière de voir comment ceux qui vont mieux
s’en sont tirés. Explications.
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Est-ce que vous allez bien ou mieux ?
Notez que je ne me suis pas inclus dans le titre qui aurait été “nous qui allons mieux”. Depuis l’île de Groix d’où je vous parle, ça va plutôt très bien. Depuis un an, si on considère qu’on est moins malade, ça veut dire qu’on va tous un peu mieux. Je dis ça sans être de nature optimiste. Ceux qui vont mieux ne vont peut-être pas encore bien.
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À quoi doit-on s’attendre en allant voir Ceux qui vont mieux ?
Il s’agit de cinq récits de vie que j’observe avec curiosité et envie. Selon les soirs, je m’accorde la liberté de laisser plus ou moins de place aux uns et aux autres. La conversation sur le plateau n’est pas toujours la même.
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Parlez-nous de vos cinq héros ?
Celui qui me vient en premier, c’est le curé de Morlaix qui a quitté la messe pour se foutre en l’air. J’ai mis du temps à me demander pourquoi cette histoire m’avait tant secoué. Je sais qu’il y a quelque chose de commun entre lui et moi face à un auditoire. Ensuite, il y a mon père qui aurait dû être curé et qui s’est effondré en regardant La Famille Bélier. Il lui a fallu deux ans pour s’en remettre. Mon père, je dois veiller à ce qu’il ne tire pas trop la couverture à lui.
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Il y a aussi Georges Perros qui s’invite dans tous vos spectacles…
Le poète de Douarnenez, ancien comédien de Paris qui quitte sa carrière en plein succès. Sa poésie m’a ennuyé au début mais lorsque j’ai compris quel homme c’était, je n’ai pas cessé d’y revenir. Il y a encore deux autres héros mais il faut laisser la surprise…
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Donc vous reliez ces histoires…
C’est ça, je dois trouver au fond de moi pourquoi ces personnes me touchent autant et le raconter. Je crois que ce que j’essaie de faire là me ressemble. En regardant la captation des premières, sans public, enregistrées en juin à Saint-Brieuc, je me suis vu étonnamment calme, débarrassé de mon souci de séduire dès le premier quart d’heure. Je trouve que c’est différent de ce que j’avais fait auparavant.
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Vous aviez besoin de faire autrement ?
Je crois, oui. Je me suis retrouvé à me sentir très mal dans ma vie, parfois en montant sur scène. Dans le dispositif scénographique du spectacle, j’ai borné des zones de protection pour éviter le vertige que j’ai tant aimé mais qui m’a parfois fait du mal. N’allez pas conclure que je ne veuille plus prendre de risque. En m’adressant davantage aux personnages que directement aux spectateurs, je me sens finalement plus proche. C’est plus doux, moins asséné.
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Comme tous vos spectacles, c’est forcément très personnel…
Ces récits de vie existent sans moi mais je ne vois pas d’autre manière de venir sur scène. Ce qui me touche, c’est quand les gens parlent d’eux.
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Vous parlez de quelque chose de l’ordre du sacré…
C’est vrai. Il y a un moment où je m’amuse à me mettre dans la peau d’Yves, le curé. Ça n’est pas le bordel habituel, c’est un spectacle avec un engagement total. La question de l’utilité est primordiale pour moi. J’ai l’impression d’être une minuscule église ambulante.
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Comment vous situez-vous dans le spectacle d’aujourd’hui ?
J’ai toujours mon côté sale con qui dirait que les autres passent leur temps à se renifler et à faire semblant, que c’est un milieu pourri. Je sais aussi que c’est trop simpliste. Je suis un cas à part mais il ne faut pas que je me le dise trop. J’ai passé l’âge d’avoir la grosse tête, je n’en ai pas les moyens.
Propos recueillis par Patrick Thibault
Crédit photos : © Le Grand T