Jane Birkin - Gainsbourg symphonique
Hommage à Serge Gainsbourg 25 ans après sa mort, et rendez-vous avec tout un pan de notre culture. Jane Birkin et l’Orchestre Lamoureux nous donnent rendez-vous avec l’intime et l’émotion dans un concert rare aux Escales. Rencontre à lire en imaginant la pointe d’accent de Jane B.
Gainsbourg symphonique, c’était logique, comment n’y avez-vous pas pensé plus tôt…
Je ne sais pas, je n’ai pas pensé à le faire consciemment. J’avais fait tellement de chansons classiques comme Baby alone, Lemon incest… On m’a proposé à Montréal puis j’ai oublié. Lorsque je suis retourné avec Michel Piccoli pour les lectures de Serge, on m’a dit “Voilà le chef d’orchestre, voilà le directeur des Francofolies.” C’était parti…
Quelle impression ça fait de chanter avec un orchestre symphonique ?
C’est tellement émouvant. On se fait happer par la surprise des cordes, leur beauté, des vrais instruments. Regarder, voir les gongs des cymbales, c’est fabuleux. Ça n’arrive qu’une fois dans une vie.
C’est ma dernière grande affaire si je puis dire. Après, si je veux, je tournerai avec un pianiste. Là, c’est grandiose. Quelque chose qui vous submerge de beauté. Il faut avoir des Kleenex au bord de la scène.
Comment est-ce que ça s’articule entre les chansons que vous avez l’habitude de chanter et les autres ?
Je finis par ne plus savoir. Pour la plupart, je les ai déjà chantées. Baby alone, Les dessous chics, Fuir le bonheur, Amour des feintes… ce sont des chansons phares, parmi les plus belles. Lost song… Si je ne sais plus, c’est aussi parce que je ne m’écoute pas.
Au bout du compte, vous aurez passé toute votre vie avec Serge Gainsbourg. Est-ce que parfois c’est compliqué ?
Ce qui est compliqué ici, c’est l’émotionnel, chanter des paroles sur une rupture de votre fait. C’est très déstabilisant, comme de petites tortures. Et en fait, pourquoi pas ? Notre histoire est une très étrange histoire. Je ne sais pas si une autre artiste a eu la chance d’avoir son compositeur et écrivain après la rupture.
C’est une histoire de fidélité…
Fidélité de sa part et de la mienne. Il y a eu un accord pour chanter ces choses là et je les ai toujours chantées aussi bien que je pouvais. Ça procurait à Serge et les larmes et la fierté d’avoir écrit quelque chose d’aussi beau. Pour Quoi et ce “de notre amour fou ne resterait que des cendres”, il pleurait beaucoup. Quand j’ai chanté pour la première fois de ma vie sur scène, Serge était au premier rang. Il était là chaque fois que c’était un peu glorieux. Pour La fausse suivante aussi.
À l’heure du Brexit, que faites-vous ?
Je dis que j’ai de la chance de pas être en Angleterre. Je plains ma sœur et mon frère. Ce résultat était très inattendu. Un peu comme Trump d’ailleurs. On peut pas être uniquement pessimiste. Des personnes vont lutter pour imposer le contraire.
Comment faites-vous après tant d’années en France pour avoir toujours ce petit accent si charmant ?
J’espère quand même que je l’ai moins. J’ai l’impression de pratiquement être allemande maintenant. Depuis Chéreau, je fais des R. Avant c’était vraiment atroce. Une fois, je m’étais regardée et vue, j’étais effrayée. Et j’ai l’impression de ne pas avoir vraiment réussi au cinéma à cause de mon
accent.
Justement, après cette expérience symphonique qui va tourner, retournerez-vous au cinéma ?
Certainement pas. Je ne ferai plus jamais de cinéma. Je ne m’aime pas, je ne veux pas être filmée. Pour faire du cinéma, il faut être photogénique ou alors très grande actrice. Des actrices qui vous font marrer ou qui vous émeuvent. Ce n’est pas mon cas.
C’est terrible ce que vous dites, pourquoi n’avez-vous toujours pas plus confiance en vous ?
Je ne sais pas. Ça va quand c’est très bien organisé pour un concert. Ou avec Chéreau. Sinon…
Interview Patrick Thibault