Hedda
De Lena Paugam - Compagnie Alexandre. Hedda, c’est l’histoire d’un amour ordinaire jusqu’à ce jour fatal où l’homme lève la main sur sa femme. Un sujet brûlant, une écriture nécessaire, un témoignage bouleversant où les mécanismes de la violence conjugale sont décrits et joués avec subtilité tout au long de la pièce.
- Mardi 30 novembre 2021 à 20h45
44470 Carquefou
L'interview
Les spectateurs comme la presse sont unanimes sur Hedda. L’audace de traiter des violences conjugales fait ici merveille. Grâce aux mots justes de Sigrid Carré Lecointre. Grâce à l’intelligence de la mise en scène et de l’interprétation de Léna Paugam. Rencontre.
Rappelez-nous l’origine du spectacle, ce besoin de commander un texte ?
J’ai été marquée par la loi qui, en Russie, visait à dépénaliser les violences conjugales. J’ai demandé à Sigrid Carré Lecointre - avec qui j’avais travaillé - d’écrire. Nous sommes parties de l’histoire de Hedda Nussbaum pour s’en détacher et raconter une histoire la plus commune possible.
C’est ce qui frappe, le fait que le spectacle parle à tout le monde…
Nous avons voulu faire fiction de ce parcours de femme pour aller chercher des situations de vie qui puissent parler à chacun. La richesse est aussi de ne pas simplifier les choses, de ne pas être dans des positions figées entre bourreau et victime. Hedda parle du point de vue des deux personnes. S’il continue de tourner, c’est parce qu’il donne une voix à tous ceux qui ne parlent pas.
À la création, en 2018, on parlait moins des violences conjugales…
C’est vrai, c’était avant MeToo, avant le mouvement de dénonciation des féminicides. C’est un spectacle qui fait partie des premiers de cette grande vague. Il parle de choses sans complaisance, avec beaucoup de sévérité mais toujours de l’intérieur et non de l’extérieur. C’est de l’ordre de l’intime et sans jugement moral.
Un spectacle sur les violences conjugales, c’est courageux…
C’était pour moi une nécessité, une urgence personnelle. impossible de faire autrement. Sigrid réussit à mettre des mots sur des choses indicibles. Joelle Gayot, dans Libération, a dit que c’était un spectacle salutaire.
Le spectacle doit beaucoup à votre interprétation et mise en scène, comment vivez-vous chaque représentation ?
Même si je l’ai joué plus d’une centaine de fois, je travaille chaque représentation comme si c’était la première. J’essaie de désapprendre le rôle pour le réinventer à partir de l’écoute des gens qui sont en face de moi. Ça repose beaucoup sur le rapport que je peux créer avec le public, ce qu’il me renvoie de cette histoire-là. Il se réinvente en permanence car le public de 2021 n’est pas le même qu’en 2018 et moi non plus.
Qu’est-ce qui vous fait le plus fait plaisir dans les réactions du public ?
Que ça parle autant aux hommes qu’aux femmes. Que ce soit un spectacle qui ne mette pas les uns contre les autres, qui rassemble plutôt et qu’on salue la force de l’écriture et la délicatesse. Pour aborder ce type de sujet, c’est beau de trouver la puissance dans la délicatesse.
Propos recueillis par Patrick Thibault
Crédit photos : Portrait Lena Paugam © Isabelle Vaillant