Scars - Sandra Nkaké
Entière, authentique et généreuse, Sandra Nkaké est une artiste, chanteuse, auteure et compositrice française née au Cameroun. Sa voix puissante et singulière se déploie sur scène avec une ampleur et un magnétisme que le public reçoit comme un cadeau.
- Vendredi 10 novembre 2023 à 20h30
44240 La Chapelle-sur-Erdre
L'interview
Les avis sont unanimes. Scars est un album unique et sublime dans la carrière de la chanteuse Sandra Nkaké. On la retrouve en concert à Capellia dans le cadre de la saison Jazz en Phase.
On vous colle une étiquette jazz mais n’est-ce pas réducteur ?
La question des étiquettes et des normes n’est pas la mienne. J’aime dire que je fais simplement de la musique. Chacun me range dans sa discothèque ou son cœur selon ses références, où et comme il veut. Je suis jazz mais pas que, chanson mais pas que, rock mais pas que…
Qu’est-ce qu’il a de particulier dans Scars, votre nouvel album ?
Scars veut dire cicatrices. Il y a donc l’envie de raconter un chemin de blessures réparées grâce à différentes ressources : la voix, la musique, les rencontres, les luttes collectives, la sororité…. Je suis issue d’une famille avec beaucoup de violence, d’inceste. J’ai vécu un tas de traumas avec lesquels il a fallu apprendre à vivre. J’ai envie de donner de la matière à d’autres pour qu’elles se disent que si on ne peut pas effacer les traumas, on peut vivre avec.
Comment réussit-on à toucher tout le monde avec autant d’intimité ?
Je ne sais pas trop comment on fait pour les toucher mais quand on a écrit, on se dit que plus on se rapproche de l’intime, quand on est proche de sa vérité, on rencontre d’autres gens à un endroit qui est précieux. Les chansons ne sont pas personnelles mais j’ai essayé de mettre les émotions les plus fortes qui m’ont traversée.
C’est un vibrant hommage aux femmes…
Clairement. Parce que si je suis là et debout, malgré les difficultés, si j’avance et continue de me construire, si je suis traversée par une forme de joie et d’espoir, c’est parce que des femmes ont lutté et continuent. On avance mais sur l’échelle de l’humanité, c’est lent. Les violences intrafamiliales sont nombreuses et si on croise la violence sociale, on arrive à des chiffres qui font froid dans le dos. Mes chansons sont un peu comme des miroirs et j’espère que chacun y trouvera des ressources.
Au-delà de l’engagement politique, il y a cette volonté de prendre soin de nous…
Ce qui m’anime et me fait du bien, c’est l’idée de créer du lien, d’aller vers les autres. Les chansons parlent de transformation, de résistance, de rage, de colère, de tendresse, de douceur, de fragilités. C’est de mon ventre à votre cœur.
L’album est puissant et magnétique mais c’est quand même sur scène qu’on le vit, non ?
Ah oui. L’idée c’est de déployer autant la tendresse que la ferveur, réinvestir nos corps, se ré-autoriser à se bousculer parce que nous sommes devenus dociles. À cinq, on est traversé par l’énergie des chansons, celle de l’amitié et on a envie de donner corps à nos luttes collectives. Le spectacle vivant permet de transpirer, pleurer, s’interroger et vivre ensemble, c’est précieux.
propos recueillis par Patrick Thibault
Crédit photos : © Benjamin Colombel