Stanislas de Barbeyrac et Célimène Daudet - Nacht und Traüme
Dans le cadre de La Folle Journée.
Schubert : Ständchen D. 957, Die Forelle D. 550
Schubert : Ganymed D. 544, Im Abendrot D. 799
Schubert : Nacht und Traüme D. 827, Du bist die Ruh D. 776
Schubert : Impromptu n°3 en sol bémol majeur opus 90 D. 899
Schubert/Liszt : Ständchen
Mahler : Lieder eines fahrenden Gesellen
- Dimanche 30 janvier 2022 à 14h45
44000 Nantes
L'interview
Artiste associée à La Soufflerie, Célimène Daudet est aussi l’une des pianistes attendues à La Folle Journée. Artiste déterminée et engagée, elle est de celles qui font la nouvelle garde de pianistes français qui comptent.
Si on remonte au tout début, pourquoi le piano ?
C’est un coup de cœur. D’abord, j’ai voulu faire comme des amis d’école, moi qui ne suis pas d’une famille de musiciens. J’ai flashé, ça a été une passion immédiate, je ne pensais plus qu’à ça. Ça a été comme une évidence, comme si j’avais trouvé un monde qui m’appartenait, un monde à moi.
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Vous êtes une des ambassadrices de la nouvelle génération de pianistes, à quelle famille appartenez-vous ?
Quand je regarde les collègues de ma génération, je pense plutôt à une sorte de compagnonnage. On est tous différents. Je m’enrichis beaucoup de les écouter. J’apprends des autres, de leur parcours, leur passion et leur personnalité.
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Quelles sont vos références chez les interprètes plus anciens ?
Enfant, j’avais une passion absolue pour Claudio Arrau qui était pour moi une source d’inspiration. J’aimais son éloquence et la noblesse de son jeu. Radu Lupu, Dinu Lipati aussi.
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Vous êtes de celles et ceux qui veulent rendre la musique classique plus accessible…
C’est souvent cloisonné. Dans les lieux de concerts, on voit bien que les plus jeunes sont moins présents. Peut-être à cause de l’image, comme si c’était difficile d’accès. Pour moi, le classique n’est pas moins accessible qu’une autre musique.
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Comment fait-on pour faire changer ça ?
Il y a différentes manières de rassurer. J’aime m’adresser au public quand je suis au piano. Échanger, ça balaie la glace et ça élimine la position de soliste sur son piédestal. Un concert, ça se fait ensemble et c’est différent d’un public à un autre. Si on peut faire passer ce message et dire que ça rassemble au-delà des différences, j’y crois. Beaucoup de barrières sont fabriquées.
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Votre mère est d’origine haïtienne et vous avez voulu renouer avec vos racines…
Puisque j’ai grandi en France, Haïti était pour moi un pays assez éloigné. J’ai eu un besoin viscéral de découvrir une partie de mes racines. Plutôt que de juste y aller en touriste, j’ai voulu participer à la vie artistique de l’intérieur. J’ai donc décidé de créer un festival de piano. On a fait venir un piano de concert puisqu’il n’y en avait plus depuis le tremblement de terre. Ça a été très fort. J’ai rencontré énormément d’artistes et de musiciens.
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De là est né Haïti mon amour…
J’ai eu la chance de découvrir des compositeurs haïtiens. Je suis tombée sur des pépites, magnifiques, poétiques, très singulières. Il s’agit de compositeurs qui ont étudié au conservatoire de Paris avant de rentrer. Ils ont écrit un genre de métissage entre musique romantique occidentale et sonorités haïtiennes. J’ai eu envie de partager. J’ai donc fait un disque et je tourne en concert avec ce programme.
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Ce qui vous caractérise, c’est aussi la volonté de travailler avec des artistes d’autres disciplines, en quoi est-ce essentiel ?
C’est une sorte de bouffée d’oxygène, une possibilité de renouveler mon regard sur la scène et mon métier. J’ai toujours beaucoup appris de Yoan Bourgeois et des autres. La scène est un lieu jamais banal qu’on n’apprivoise pas complètement. Il n’y a pas de routine pour moi et ils m’apprennent une autre conception de l’espace et du temps.
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Qu’allez-vous jouer à La Folle Journée ?
Les 4 impromptus opus 90 de Schubert. Ce sont des œuvres qui m’accompagnent et me font du bien. Je les ai beaucoup écoutés par Radu Lupu. Puis, il y aura des transcriptions de lieder de Schubert par Listz. J’aime faire chanter mon instrument pour arriver à ce grand chant expressif et douloureux qui nous saisit au cœur. Il y aura aussi un programme avec le ténor Stanislas de Barberac. Nous présenterons des lieder de Schubert et Malher, sur le thème du voyage, de l'errance de la nature. Un miroir avec la musique de Schubert.
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Parlez-nous de ce parcours d’artiste associée avec La Soufflerie…
C’est né de la rencontre avec Cyril Jollard. Il est le premier à avoir cru à Haïti mon amour. C’est très important pour moi ce compagnonnage long avec un lieu et un public car c’est une manière de créer du lien. Il m’a laissé carte blanche et je propose des programmes qui sortent des sentiers battus. On a pu, par exemple, présenter notre dernière proposition avec Yann Bourgeois. On a travaillé en résidence à la Soufflerie avant la Philharmonie. C’est l’occasion d’expérimenter.
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Vous êtes déjà venue à La Folle journée, quel regard portez-vous sur la manifestation ?
Elle est unique en son genre. C’est incroyable que René Martin ait créé une manifestation d’une telle envergure en si peu de temps. C’est un exemple de cet objectif de toucher le public le plus large possible. Ce qui m’a toujours frappée à La Folle Journée, c’est que dans le public, il y a des mélomanes mais aussi plein de gens qui viennent pour découvrir. C’est très festif. Et c’est hallucinant de voir les concerts complets à toute heure.
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Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite de votre carrière ?
Qu’elle soit la plus longue possible car je voudrais ne jamais m’arrêter. Ce qui est beau dans le piano, c’est qu’il n’y a pas de fin, pas vraiment de début non plus puisque j’ai toujours été musicienne depuis que j’ai commencé à jouer. Je n’ai pas de plan, ni d’idéal. Souhaitez-moi qu’il n’y ait pas de fin. Que je puisse continuer d’explorer et de chercher, c’est ce qui nous maintient en vie.
Propos recueillis par Patrick Thibault