Yannick Jaulin, causer d'amour
En tant que fils de paysan, Yannick Jaulin dit qu’il est né au pays de l’amour vache et qu’il sera question de vétérinaires, de caillebottes, de barbe bleue et autres princes de l’amour. Mais aussi, surtout et avant tout, dans une formule en trio, ce sera l’occasion d’une belle déclaration à une langue qu’il aime plus que tout.
- Mardi 5 Février 2019 à 20h30
44150 Ancenis
L'interview
Le conteur Yannick Jaulin nous revient avec deux spectacles qui ont en commun la langue et l’amour. Deux spectacles où le poids des mots s’allie au talent du conteur.
Vos deux spectacles ont le mot amour dans le titre. Est-ce que ça veut dire que l’amour est une chance ou un problème ?
Les deux ! Et dans les deux spectacles, il est question à la fois d’une transmission et d’un empêchement. L’outil lui-même, la langue maternelle, raconte le lien puissant entre les mots, l’expression de la voix au service de l’amour, sinon ça serait de l’amour superficiel. Dans Causer d’amour, je raconte une expérience intime, celle d’une séparation. J’ai fait une enquête sur moi pour comprendre pourquoi et comment la valeur de l’amour n’est pas forcément transmise.
À l’heure de la parité, peut-on encore parler de langue maternelle ?
Pour le patois vendéen, la transmission se fait surtout chez les hommes. Les femmes ont considéré que c’était le symbole d’un arrière monde. La langue des pères est celle du pouvoir. Je dis que j’aime ma langue parce que c’est une batarde. Le père définit des frontières, l’armée, un pouvoir symbolique sous prétexte d’une langue unique, pure. Mais ma langue maternelle ne va pas contre la parité. D’ailleurs, ne devrait-on pas dire marité ?
Est-ce qu’il arrive que le conteur ne sache plus quoi raconter ?
J’ai eu des périodes un peu moins fastes au niveau de l’inspiration mais ça ne m’est pas encore arrivé. Là , il y avait une urgence folle à parler de ces deux sujets-là . Je ne pensais pas me retrouver seul avec deux enfants en bas âge à charge en garde alterné.
Le spectacle est donc un peu une thérapie…
Tout artiste travaille à un moment donné sur ses failles, sinon c’est du travail d’épicier. Après, la question, c’est toujours comment faire pour que cette manière de fouiller les entrailles s’adresse à tous, comment mon intime peut toucher un intime plus collectif.
Est-ce difficile de jouer deux spectacles en même temps ?
Au contraire. Ils sont tellement complémentaires et tellement différents que c’en est jubilatoire. Il faut aussi dire que ce sont deux spectacles où la musique est très importante. Et en plus, il y a la musique de ma langue maternelle intime.
Propos recueillis par Patrick Thibault
Crédit photos : Florence Houchenot