Yannick Jaulin - Ma langue maternelle va mourir et je ne peux plus vous parler d'amour
La langue est son outil de travail et le voilà qu’il en parle et met des mots sur les siens, ce français qu’il adore, sa langue de tête, et le patois, sa langue émotionnelle. Il raconte joyeusement son amour des langues en duo avec Alain Larribet musicien du monde et Béarnais.
- Jeudi 15 décembre 2022 à 20h30
44240 La Chapelle-sur-Erdre
L'interview
Plaisir de retrouver Yannick Jaulin avec un spectacle dont le succès ne se dément pas. Ma langue maternelle va mourir et je ne peux plus vous parler d'amour était l'occasion de renouer le dialogue avec l'artiste.
Vous parlez de langue mais le mot amour dans le titre. Est-ce que ça veut dire que l’amour est une chance ou un problème ?
Les deux ! Dans le spectacle, il est question à la fois d’une transmission et d’un empêchement. L’outil lui-même, la langue maternelle, raconte le lien puissant entre les mots, l’expression de la voix au service de l’amour, sinon ça serait de l’amour superficiel.
À l’heure de la parité, peut-on encore parler de langue maternelle ?
Pour le patois vendéen, la transmission se fait surtout chez les hommes. Les femmes ont considéré que c’était le symbole d’un arrière monde. La langue des pères est celle du pouvoir. Je dis que j’aime ma langue parce que c’est une batarde. Le père définit des frontières, l’armée, un pouvoir symbolique sous prétexte d’une langue unique, pure. Mais ma langue maternelle ne va pas contre la parité. D’ailleurs, ne devrait-on pas dire marité ?
Est-ce qu’il arrive que le conteur ne sache plus quoi raconter ?
J’ai eu des périodes un peu moins fastes au niveau de l’inspiration mais ça ne m’est pas encore arrivé. Là, il y avait une urgence folle à parler de ces deux sujets-là. Je ne pensais pas me retrouver seul avec deux enfants en bas âge à charge en garde alterné.
Le spectacle est donc un peu une thérapie…
Tout artiste travaille à un moment donné sur ses failles, sinon c’est du travail d’épicier. Après, la question, c’est toujours comment faire pour que cette manière de fouiller les entrailles s’adresse à tous, comment mon intime peut toucher un intime plus collectif.
La musique de la langue est importante dans ce spectacle…
Très importante. Et en plus, il y a la musique de ma langue maternelle intime.
Propos recueillis par Patrick Thibault
Crédit photos : © Eddy Rivière