Festival des 3 Continents 2019
41e édition du festival qui propose des films de fictions et des documentaires d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie.
- Du mardi 19 novembre 2019 au mardi 26 novembre 2019
L'avis de la rédaction
Découvrir le livre noir
On prend date pour le Festival des 3 Continents qui au-delà de l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du Sud, crée la surprise cette année. En effet, l’édition consacre un énorme focus à la place des Noirs dans le cinéma américain depuis plus de 70 ans. Une manière d’intégrer intelligemment le cinéma US. Au rendez-vous évidemment, la compétition internationale, des cycles consacrés au Costa-Rica et un autre à Tsui Hark, réalisateur clé du cinéma d’action hongkongais.
Patrick Thibault
L'interview
Depuis quelques années, Jérôme Baron, directeur artistique, est parvenu à remettre en selle un Festival des 3 Continents devenu un peu moribond. Cette 41è édition présente 93 films de 41 pays différents. On ne doute pas qu’un large public – toujours pluriel - sera au rendez-vous pour cette fête des cinémas d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie mais pas que.
Que dit la compétition 2019 de l’état du cinéma des 3 continents ?
Elle dit que 2019 est une année assez curieuse. La répartition égalitaire entre fictions et documentaires est rare et dit sa singularité. Nous avons même un film d’animation, ce qui est une coloration un peu nouvelle pour le Festival des 3 Continents et rare aussi dans les compétitions internationales.
Et que disent ces films ?
Ce qui m’intéresse dans ces films, c’est leur échelle. Et à la fois les actes forts qui les font. Chaque film de cette compétition - qui est un bon cru - trouve une manière d’explorer un territoire mais aussi de s’inscrire dans un rapport au temps.
Qu’entendez-vous par là ?
Je veux dire que les films sont liés au présent mais ont par ailleurs une belle façon de traverser les espaces. The Tree house, le film vietnamien, est d’abord un essai de science-fiction type Chris Marker avant de nous plonger dans un Vietnam reculé, de nous parler de la manière d’habiter la jungle pour nous reparler de la guerre. On a la même sensation avec le film algérien 143 rue du désert…
La section Le livre noir du cinéma américain ne prouve-t-elle pas que les 3 Continents, c’est davantage une question d’identité que de continents ?
Si bien sûr. Les 3 continents c’est d’abord une idée qui, de manière pionnière, a donné à voir des cinémas minoritaires. Dès la première édition, les Noirs avaient une place dans une rétrospective programmée par Serge Daney. Il y a toujours eu un cinéma noir et des talents. Si nous avons programmé cette section, c’est parce qu’il y a une actualité qui nous a tout de suite frappés en même temps que les films traitant des Noirs ou de la question noire se multipliaient. L’Idée, c’est de retraverser cette histoire qui est aussi une histoire du ciné américain et pas une histoire à part.
Pourquoi cette section consacrée à Tsui Hark ?
Il est le cinéaste dont le nom évoque de suite quelque chose aux amateurs de cinéma et de cinéma de genre. Ses films sont assez éloignés de la distribution occidentale depuis des années, le marché chinois suffisant à sa réussite industrielle et commerciale. C’est un cinéaste dont je prends des nouvelles régulièrement. Il est le gardien de plusieurs traditions. Dans un cinéma populaire, il reste quelqu’un qui fait des propositions innovantes. Tsui Hark assure une belle vitalité au cinéma chinois et c’était le bon moment de présenter, en contrepoint du Livre noir du cinéma américain.
Votre film préféré de Tsui Hark ?
Pékin opéra blues, assez original. Mais aussi Time and tide, un film de 2000, contemporain de Matrix dont on peut le rapprocher. Dans le cinéma d’action, il y a avant et après.
Et vous avez choisi de consacrer une section au cinéma du Costa Rica en raison de sa dimension féminine…
C’est effectivement ce qui nous est apparu en cherchant un peu. La place des femmes dans les films et leur rôle comme productrices, scénaristes et réalisatrices sont considérables. On a eu l’envie de mettre en évidence ce parfum un peu féminin dans les films proposés. Cette année, Ceniza negra, le film du Costa-Rica présenté à la Semaine de la critique à Cannes, était aussi écrit par une femme. Dans les pays limitrophes, le cinéma est un sport très masculin et là, c’est le contraire.
Vous entamez la cinquième décennie, le Festival des 3 Continents est-il toujours aussi légitime ?
Avant la trentième édition, on a pu considérer que le projet était un peu vieillissant et pas adapté aux évolutions du cinéma contemporain. Mon avis est qu’il est aujourd’hui essentiel dans son format actuel. Beaucoup de festivals ont la volonté de grossir au sens un peu gras. Or, ce que nous arrivons encore à faire, c’est un travail de détail et de précision qui prend appui sur l’histoire et l’actualité du cinéma contemporain. Nous sommes moins susceptibles de suivre des tendances et des modes car le festival est doué de mémoire. On s’appuie sur une expertise la plus accessible possible car le festival n’est pas réservé à une élite cinéphile mais à tous ceux qui ont envie d’être en phase avec le monde tel qu’il va. Il devient essentiel face au poids écrasant des images médiatiques.
Wik est partenaire du prix du public avec Fip et vous rappelez régulièrement l’importance de voter pour ce prix…
Bien sûr, il y a la Montgolfière d’or et la Montgolfière d’argent, décernés par le jury. Et d’une manière générale, les prix inscrivent les films dans une histoire et une généalogie. Avec tous ces réalisateurs passés par Nantes qui, comme Kore-Eda ou Jia Zhangke, obtiennent ensuite Palme ou Lion d’or. Le prix du public a, lui, une incidence non négligeable sur la manière dont les distributeurs regardent les films. Il est une incitation à l’engagement et à la curiosité. Des films comme Femmes du Caire de Yousry Nasrallah sont partis de là parce qu’il y a eu une adhésion du public qu’on ne soupçonnait pas et qui a souvent été déterminante dans la carrière des films.
Propos recueillis par Patrick thibault