Les Utopiales 2023
Festival international de science fiction.
Les Utopiales 2023 sonderont les notions de transmission. Elles questionneront le partage et l’héritage, celui que nous recevons ou que nous léguons. Elles scruteront tout autant les moyens de ces transmissions, qu’ils induisent la propagation ou la rupture des paradigmes, conduisant l’humanité à avancer à tâtons vers l’inconnu et au-delà.
- Mercredi 1 novembre 2023 à 10h00
- Jeudi 2 novembre 2023 à 10h00
- Vendredi 3 novembre 2023 à 10h00
- Samedi 4 novembre 2023 à 10h00
- Dimanche 5 novembre 2023 à 10h00
44000 Nantes
L'avis de la rédaction
Entrer dans la galaxie
Bienvenue dans la galaxie des Utopiales ! Le festival international de science-fiction de Nantes emmène toujours plus de public dans ses mondes futuristes. Un mix de débats scientifiques ou littéraires, projections de films et séries, jeux, expositions, concerts, spectacles, grande bibliothèque et un public toujours enthousiaste. Avec le thème Transmission(s), l’’édition aborde le partage des savoirs et des richesses, l’héritage, la propagation, l’interruption. Parmi les 200 personnalités invitées, l’écrivain Douglas Kennedy, Alex Alice, Nathalie Besson, Guillaume Meurice, Elene Usdin, Emily St. John Mandel, Éric Lagadec… Nos pages spéciales dans le prochain numéro.
Aude Moisan
Crédit photos : Illustration © Elene Usdin
L'interview
Aussi à l’aise en littérature qu’en philosophie, Tristan Garcia est une belle tête pensante. Avec sa capacité à explorer tous les genres et un talent fou, il est l’un des invités attendus des Utopiales 2023.
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On peut dire que vous avez un parcours de premier de la classe, non ?
J’étais premier au fond de la classe. Plutôt près du radiateur, au fond à droite. Dès que j’ai publié, j’ai toujours été embarrassé par le fait qu’on me présente comme normalien. Je suis un enfant de l’école républicaine. J’ai fait Normale Sup car ça m’a permis de payer mes études. Sans ça, mes parents n’auraient pas pu se le permettre.
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Êtes-vous déjà venu aux Utopiales ?
Mon père a longtemps habité à Nantes. J’y suis donc allé plusieurs fois comme simple lecteur. Je suis amateur de fantasy ou d’imaginaire. C’est ma première fois en invité. Je ne suis pas vraiment un écrivain du milieu. Je fais peu de rencontres et de salons. Parce que j’ai une activité salariée et une vie familiale. Disons que je ne suis pas toujours à l’aise avec la sociabilité qu’implique la vie littéraire et éditoriale. Mais aux Utopiales, c’est différent.
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Qu’en attendez-vous ?
Le programme est riche. C’est assez désespérant car on ne peut pas tout voir. Mais je suis content de pouvoir dialoguer avec celles et ceux qui ont écrit les livres que j’ai préférés. Mariana Enriquez dont j’adore Notre part de nuit, et d’autres. Puis, il y a la partie théorique avec des débats sur l’intelligence artificielle ou des sujets qui m’intéressent. J’ai le même intérêt que les visiteurs pour me faire une idée.
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Quelle est votre définition de la science-fiction ?
J’aime l’idée que c’est une littérature du possible qui s’interroge, qui vise le possible plutôt que le réel. Mais j’aime aussi la littérature du réel.
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Est-ce que la SF et le fantastique permettent d’échapper à notre réalité morose et effrayante ?
C’est une littérature qui se porte bien en qualité et quantité. Elle s’est féminisée et ouverte. Elle s’est décentrée de l’Europe et des États-Unis. Il y a de plus en plus de SF chinoise, de littérature fantastique sud-américaine. Ça s’est mondialisé, “queerisé” aussi. C’est plutôt enthousiasmant comme lecteur et écrivain. Mais nous sauver de la réalité, certainement pas. Et ce n’est pas ce que j’attends de la littérature. Dire le pire pour espérer qu’il n’ait pas lieu, y’a de ça dans la SF.
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Si vous regardez dans le rétro, La Meilleure Part des hommes (2008), Mémoires de la jungle (2010), Faber : Le destructeur (2013), 7 (2015)… qu’est-ce que ça vous évoque ?
Je crois que j’aime évoluer entre la littérature du réel et celle du possible. J’explore une sorte d’éventail avec plus ou moins de possibles, de prospectives, d’exploration et d’un autre côté la littérature contemporaine. Je ne suis pas un auteur de genre. Pour moi, ça revient à explorer des teintes sur un nuancier.
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Vous venez de décrire ce qui fait votre force…
Ou ma faiblesse, allez savoir. Je ne fais pas exprès, je ne me reconnais pas du tout dans les étiquettes, catégories éditoriales ou classement dans les bibliothèques. Vraiment, pour moi, c’est toujours une question de degrés ou de teintes.
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Vous croyez toujours aux extra-terrestres ?
Non pas du tout. J’ai un esprit très rationnel. Je suis juste quelqu’un qui a besoin de la fiction pour guérir de son rationalisme. J’aime et j’ai besoin de personnages fous.
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J’aime comment vous avez pris la question au premier degré…
Compte tenu de ce que j’ai écrit sur les extraterrestres, j’ai beaucoup été approché par ceux qui y croient !
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Dans votre œuvre, il y a cette Histoire de la souffrance en 3 volumes, est-ce que ça guérit ?
Non ! J’aimerais changer ce titre quand j’aurai terminé car, pour moi, c’est autant l’histoire de la joie ou de la sensation. J’y trouve autant de joie que de douleur. J’y suis encore, le but est d’aller loin dans l’avenir : le 3e sera en grande partie de la SF, jusqu’à la fin de la souffrance et du vivant.
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Dans votre œuvre, il y a aussi toujours ce soutien aux plus faibles et aux opprimés…
J’ai mis du temps à comprendre que les livres que j’ai aimés et aime toujours sont ceux des dominants. L’Odyssée, Le Ramayana, Voyage vers l’Ouest… Des textes pour manifester la victoire d’une langue sur un territoire, des œuvres d’impérialistes. Pour écrire, il faut avoir du temps alors on trouve les mandarins, la bourgeoisie. Je veux donc rendre la littérature à ceux qui ont perdu. C’est peut-être une équation impossible mais je veux prendre la forme des vainqueurs pour la donner aux vaincus. Du moins, j’essaie.
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Vous êtes fan de BD, un coup de cœur récent ?
Le grand vide de Léa Murawiek. Virtuose graphiquement, ça part d’une idée simple et réussie, un monde d’imaginaire et de SF où on n’existe que si on pense à nous. Tous les gens doivent se payer des pubs, une métaphore du désir d’être visible sur les réseaux sociaux.
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Un coup de cœur série ?
Landscapers : une série géniale sur un couple de criminels âgés qui ont tué les parents de la fille et les ont enterrés dans leur jardin. Excellent sur la
forme, avec des acteurs géniaux. J’adore.
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TRISTAN GARCIA AUX UTOPIALES
• Vendredi 3 à 15h, le lieu unique : Matériaux extraordinaires.
• Vendredi 3 à 17h30, le lieu unique : Cabin in the wood.
• Dimanche 5 à 11h45, Scène Shayol : Les successeurs.
• Dédicaces vendredi 3 à 16h15 et 18h30, samedi 4 à 16h, dimanche 5 à 12h45.
Propos recueillis par Patrick Thibault
Crédit photos : © Francesca Mantovani - Gallimard
L'article
Transmission(s), thème de l’édition, est un peu la vocation du festival depuis le départ. Il permet de questionner le partage et l’héritage. On reste ébahis par le nombre de débats/rencontres et la richesse des intervenants. Une participation féminine plus forte, note Jeanne-A Debats, déléguée artistique. On retrouve donc Emily St. John Mandel, Lisa Blumen, Kim Stanley Robinson, Douglas Kennedy… Et puisque c’est un festival de science-fiction avec de la science dedans, on accueille Nathalie Blanc, géographe, ou Daniel Hennequin, physicien.
Côté expo, Gilles Francescano explique qu’il s’agit une fois de plus de repousser les limites des éditions précédentes. Il annonce un choc avec les couleurs d’Elene Usdin, l’univers noir et blanc de Chantal Montellier et l’hommage à René Laloux.
Côté cinéma, Frédéric Temps pointe la première mondiale d’un film aux animations somptueuses : Space Agents-The Mysterious Ax de Dom Fred. La version restaurée du film de René Laloux Les Maîtres du temps. The Space Race, un très beau documentaire qui met en lumière les récits d’injustice raciale chez les premiers astronautes.
Il faut aussi faire un tour du côté des expériences et performances qui s’adressent à tous les publics. Sans oublier le parcours jeunesse.
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UNE FÊTE CHAQUE SOIR
L’édition 2023 programme au moins une soirée festive chaque soir. Un spectacle pour bébés (le 1er à 17h, puis 18h), un autre humour et sciences d’Éric Lagadec et Guillaume Meurice (mercredi 1er à 20h). Un karaoké de l’espace au lieu unique (jeudi 2 à 20h30), une soirée qui décoiffe aux Ateliers
de Bitche (le 2 à 22h30), un ciné-concert Dracula au lieu unique (vendredi 3 à 20h). Samedi 4, c’est cérémonie de remise des prix (à 19h15) mais aussi soirée cinéma (de 20h15 à 1h45) et une soirée jeux (de 20h30 à 1h30).
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NOUVEAUTÉS
Côté cinéma, pour éviter les files d’attente, on peut réserver sa place (c’est gratuit) dès 8h chaque matin. Les Utopiales aménagent aussi un salon d’écoute sound fiction et une salle zen pour se poser et s’éloigner de la foule entre deux rendez-vous. Et pour la première fois, une application permet de s’y retrouver avec même une signalétique dynamique en réalité augmentée.
Patrick Thibault
Crédit photos : Space Agents-The Mysterious Ax © DR